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Les substances chimiques ont envahi notre quotidien et entrent désormais dans la composition de quasiment tous les objets de notre vie : produits de ménage, de toilette, textiles, jouets, mobiliers, matériaux de construction, équipements électroniques, alimentation, emballages, ustensiles de cuisine…

100 000 substances chimiques différentes sont commercialisées et selon l’INRS 1 , 364 agents chimiques classés CMR (cancérigènes, mutagènes et/ou reprotoxiques) ont été utilisés en France, en 2005, à hauteur de 4, 8 millions de tonnes.

Pour reprendre les paroles de Jacqueline Mc Glade, directrice de l’Agence Européenne pour l’environnement, en 2004, « nous nous réjouissons tous de bénéficier des activités économiques à l’origine de ces polluants, mais ce n’est qu’à présent que nous commençons à constater les conséquences réelles de cette expérience à grande échelle réalisée sur la santé des enfants. » 2

L’incinération de tous ces biens arrivés en fin de vie contribue un peu plus à la dissémination des polluants qu’ils contiennent et, pire, entraîne la formation de nouveaux polluants. Les toxiques contenus dans les matériaux sont libérés dans l’environnement par l’entremise des fumées et des cendres (400 kg/tonne). Les filtres apposés sur les cheminées vont retenir une partie de ces polluants, pas tous car la plupart ne sont pas mesurés, mais ils ne les détruisent pas, il faudra ensuite les stocker dans des décharges pour déchets dangereux.

L’élimination est un mythe, tout se transforme comme nous l’a appris Lavoisier. Les substances toxiques contenues dans les déchets ne disparaissent pas sous l’action du feu. L’incinérateur « propre » est une légende, tout comme la production d’énergie verte qui lui est associée. 40 % des déchets ménagers sont d’origine fossile, donc d’origine non renouvelable et, la production d’1 kwh d’énergie, issue des déchets, émet 1 kg de CO2, tandis que le gaz n’émet que 330 g de CO2 et, le fuel, 436 g. 3 L’incinération des déchets, loin d’être un moyen de lutter contre le réchauffement climatique, au contraire, y contribue activement.

Les incinérateurs de déchets et les décharges polluent l’air, le sol et les ressources en eau, ceci est donc un fait, et non une croyance. Vouloir réduire toute incertitude comme le fait l’industrie de l’incinération, avec la caution de certains scientifiques, relève de la fuite en avant et surtout de la perte d’un temps précieux. Les effets, parfois à long terme, sur l’organisme par les polluants chimiques, sont une difficulté supplémentaire à faire reconnaître le lien de cause à effets et permet ainsi à l’industrie de gagner du temps en assurant que la nouvelle génération d’incinérateurs est sans danger, contrairement aux précédents dont la responsabilité dans la survenue de cancers a été démontrée. Lorsque des risques sont identifiés et, c’est le cas pour l’incinération des déchets, ceux-là devraient être évités. C’est tout le sens de l’application du principe de précaution. Prenons l’exemple des PCB pour illustrer notre propos. Entre janvier et avril 2008, la plupart des fleuves français, mais aussi des rivières ont été frappés d’interdiction de consommation et de commercialisation de certains poissons. La France découvre l’ampleur de la contamination de ses fleuves par les polychlorobiphényles (PCB), plus connus sous le nom de pyralène ou phénoclor. 4

Pourtant, dans les années trente, certains éléments permettaient déjà d’affirmer, parfois avec un faible degré de preuve, que les PCB pouvaient empoisonner l’être humain. L’application du principe de précaution à cette époque aurait empêché la formation de l’héritage toxique que nous connaissons aujourd’hui. 5

C’est exactement le même problème pour l’incinération des déchets. Selon l'Invs 6 : "Le risque éventuel en excès en lien avec les émissions actuelles des incinérateurs pourrait être évalué seulement dans 10 à 20 ans". La question est donc de savoir si attendre 10 ou 20 ans est acceptable lorsque des alternatives sont disponibles. Certaines collectivités françaises et étrangères ont, à maintes reprises, prouvé qu’il était possible de traiter 60 à 70 % des déchets ménagers grâce à une réduction des déchets à la source, au compostage, à la méthanisation et au développement de la réparation et du recyclage. Pour les 30 % restants, nul besoin de construire de nouvelles installations, le parc actuel d’incinérateurs y suffira largement, c’est le plus grand d’Europe !

Florence Couraud, ex-directrice du CNIID

Serge Orru, Directeur Général du WWF-France







1 Anne-Corinne Zimmer, Polluants chimiques, enfants en danger, Editions de l’atelier, 2009.

2 « Signaux précoces et leçons tardives : le principe de précaution 1896-2000 ». Problèmes environnementaux, rapport n°22. Agence européenne de l’environnement, Copenhague, 2001, Institut français de l’environnement, Orléans, 2004.

3 Institut national de veille sanitaire.

[4 Institut national de recherche et de sécurité

5 Quatrième conférence ministérielle sur l’environnement et la santé du bureau européen de l’Organisation mondiale de la santé, Budapest, 2004

6 Jean-François Patingre, journée technique de l’ORDIF (observatoire régional des déchets en Île de France) sur la valorisation énergétique des déchets, 23 avril 2009.

source : WWF