Le Progrès > Publié le 17/10/2011
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Déchets : comment l’anti-terrorisme s’est penché sur le plateau du Devès



En exclusivité, lors d’une de ses réunions, le GPEP avait posé devant notre objectif fin août - Rémi Barbe



Cayres. Fin août, dans l’intimité des bois de la forêt du Devès, un groupuscule opposé à la création d’une décharge montre les dents. La mise en scène se veut choc. Elle finira entre les mains de l’anti-terrorisme



Un mois d’enquête, d’auditions et de recoupements pour finalement aboutir à un classement sans suite.



Pour s’apercevoir que les pseudo-terroristes de Cayres n’étaient en réalité que des villageois et des citadins inquiets et agacés, des hommes et des femmes lassés de ne voir aboutir la lutte qu’ils mènent depuis deux ans contre le projet d’implantation d’un centre d’enfouissement sur les communes de Cayres et Séneujols…



Tout a commencé un soir de la fin de l’été. Un rendez-vous anonyme dans les bois du Devès. Là, huit hommes ont préparé une mise en scène « à la Corse ». Dans une clairière, une table éclairée par les phares d’un 4x4, un décor masqué par des draps de fortune, et huit individus, encagoulés et gantés, exposant un « arsenal » composé de merlins, haches, armes blanches ainsi qu’une arme de poing… qui se révèle être un pistolet à billes plastiques. Le groupuscule, et c’estimportant, se revendique du GPEP (le Groupe de protection de l’eau du Puy). Ils expliquent n’être qu’une délégation de gens du plateau mais aussi du bassin ponot, complètement indépendants et sans rapport avec le collectif PPVV qui, depuis deux ans, lutte dans la régularité et sans débordement, contre le même projet de centre d’enfouissement.



Dans un communiqué déposé dans les boites aux lettres de la plupart des médias locaux, le GPEP explique vouloir lutter contre « des irresponsables-assassins qui veulent entasser des déchets sur le château d’eau du Puy-en-Velay ». Le GPEP se revendique alors comme « une organisation qui va lutter concrètement et efficacement contre ce projet de décharge » en utilisant « tousles moyens en notre possession pour stopper ce projet et les assassins qui le portent ». Le tout avec l’ambition de faire respecter le choix des habitants et des élus qui se sont prononcés contre le projet.



L’affaire n’est qu’un coup médiatique. Mais les gendarmes prennent cela très au sérieux. L’enquête est ouverte dès le début de semaine suivante. Elle fait du bruit. Les gendarmesquestionnent et ne tardent pas à identifier les huit individus. Les enquêteurs bénéficient de l’appui du PPVV qui suit toutes les évolutions du dossier. Entre-temps, les services de renseignement font leur travail. Le ministère de l’Intérieur est informé. La brigade anti-terrorisme se met « sur le coup ». Pour rien. Le procureur de la République du Puy-en-Velay, à l’issue des auditions et des témoignages jugés « honnêtes » des huit personnes, a décidé de classer l’affaire sans suite et d’infliger des sanctions modérées aux pseudo-terroristes du plateau… Le GPEP a, quant à lui, été dissout. Il n’a existé que l’espace de quelques heures. Le temps d’une tempête dans un verre… d’eau. Rémi Barbe



Le commentaire. « Cette attitude est le résultat d’une situation qui s’éternise »



Le rendez-vous était anonyme : fin août, à 21 heures, dans les bois à quelques kilomètres de là où est projeté le centre d’enfouissement. « J’ai un sujet qui va vous intéresser… »



Point final.



La suite, c’est cette mise en scène à la Corse, cette interview improvisée face à huit hommes encagoulés dans une clairière tout près de la Croix de la Chèvre.



Rien de plus, rien de moins.



Pas d’enlèvement, pas davantage de séquestration ou d’yeux bandés comme un courrier diffusé sur le plateau fin septembre, voulait bien le laisser entendre. Un fantasme autant que des foutaises. Reste que l’action de ce fameux GPEP pose une question. Pourquoi en arriver là ? La réponse est simple, autant que le comportement de ces hommes a été radical et sûrement inapproprié à un moment où la situation avance dans leur bon sens.



Sur le plateau de Cayres/Séneujols, il y a plus de deux ans que ça dure. Deux ans que les villageois, dans leur majorité, se battent contre l’installation d’une décharge au sujet de laquelle, c’est vrai, on a tout entendu. Et parfois n’importe quoi. Aujourd’hui, les politiques ont donné leur avis et les habitants du plateau veulent qu’il soit suivi.



Cette action pseudo-musclée, c’est un mélange d’exaspération et de lassitude. Une bêtise qui abreuvera l’argumentaire des défenseurs du projet. Voilà la punition.