Lien vers l'article :

http://www.elunet.org/spip.php?article5755

Communiqué d’André CHASSAIGNE, député PCF du Puy-de-Dôme sur la politique des déchets et la loi de mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Durant la législature précédente, j’avais déposé le 21 décembre 2004 une proposition de loi cosignée par l’ensemble des députés communistes et républicains « visant à assurer une maîtrise publique des déchets pour la réduction de leur production et pour impulser une politique nouvelle en matière d’élimination et de valorisation »

(http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion2012.asp)

.

Elle était le fruit d’une collaboration étroite avec la commission environnement de l’Association nationale des élus communistes et républicains (ANECR) et avait fait l’objet d’une concertation citoyenne dans ma circonscription.

A l’occasion de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi « Grenelle 1 », j’ai décliné cette proposition de loi en une série d’amendements. Quatre ont été adoptés en séance : ils sont une ouverture appréciable pour une avancée dans la politique des déchets en France.

L’amendement ayant attiré le plus fortement l’attention des médias consiste à intégrer « une part variable pouvant prendre en compte le poids des déchets et leur nature » dans le calcul de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

L’« intergroupe déchet » du Grenelle de l’environnement avait abouti aux mêmes conclusions puisque son engagement n° 243 prévoyait « d’instituer une tarification incitative obligatoire, s’appuyant sur une REOM ou une TEOM avec une part fixe et une part variable. »

Le but de cet amendement n’est bien évidemment pas d’augmenter la participation financière des ménages mais au contraire de l’atténuer en modulant les taxes et redevances existantes dans un objectif de réduction des déchets en incitant à davantage de tri. La TEOM (qui est la plus utilisée) et la REOM sont en effet actuellement à la fois socialement injustes et écologiquement inefficaces :

Socialement injustes. D’une part, l’assiette de la TEOM dépend de celle du foncier bâti dont les bases sont totalement déséquilibrées. Une personne seule et aux revenus modestes habitant une grande maison peut ainsi payer une somme disproportionnée : c’est le cas de nombreuses personnes âgées en pavillon individuel.

D’autre part, le service public de collecte et de traitement des déchets dessert également sous certaines conditions certains producteurs de déchets professionnels (commerçants, artisans, entreprises de services), souvent sans que le coût réel leur soit facturé. C’est donc l’ensemble de la TEOM qui devrait être réformée.

Ecologiquement inefficaces. Le calcul de la REOM ne prend pas suffisamment en compte la situation de l’usager dans l’évaluation du service rendu. Et celui de la TEOM n’est actuellement pas fonction de la quantité de déchets produits. Aussi, les ménages et professionnels ne sont pas incités à réduire la production de leurs déchets.

Faute de tarification incitative, les comportements « éco-responsables » ne sont donc pas favorisés, à savoir l’achat de produits peu emballés, un meilleur tri des déchets recyclables, voire un compostage des déchets de cuisine ou fermentiscibles.

L’introduction de cette part variable prévue dans cet amendement serait mise en œuvre par les collectivités territoriales et leurs syndicats assurant cette compétence en adaptant le dispositif aux conditions locales. Les collectivités auraient la responsabilité de :

Définir le système de pesée et de collecte le mieux adapté. La pesée peut être en effet effectuée par bac ou du sac, avec à la clé des choix quant à la pesée embarquée, le nombre de sacs, la taille du container, etc…

Moduler la part variable en fonction des familles concernées. Une famille nombreuse ne doit pas verser une taxe pénalisante par rapport à un couple sans enfants et une modulation doit donc être introduite, tout en sachant que le maintien d’une part fixe prépondérante a pour rôle de garantir une solidarité entre les familles.

Adapter son application aux conditions géographiques et d’habitat. Une zone pavillonnaire, où la collecte est individuelle, ne peut être traitée de la même façon qu’un immeuble collectif. Le Grenelle de l’environnement avait d’ailleurs proposé qu’un comité opérationnel approfondisse cette question (engagement n° 243).

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de prendre en compte le cas des zones touristiques où le nombre d’habitants peut fluctuer dans des proportions importantes selon les saisons.

Eviter le « nomadisme des déchets ». Il sera nécessaire dans certaines localités d’instaurer un contrôle strict pour éviter le développement de décharges sauvages.

Pour toutes ces raisons, l’amendement propose la mise en œuvre de la part variable dans un délai de dix ans afin de permettre une réflexion approfondie sur les adaptations nécessaires.

Mais cette mesure n’est pas la plus importante. Et il est inévitable qu’elle soit caricaturée si le point central de notre proposition de loi n’est pas rappelé : « D’abord, il s’agit d’obliger les producteurs à internaliser le coût lié à la post-consommation des produits qu’ils commercialisent, en application concrète du principe de prévention. Il s’agit de chercher à réduire et prévenir, à la source, la quantité et la nocivité des déchets » (extrait de l’exposé des motifs de la proposition de loi).

Il est en effet indispensable que la mise en place d’une telle tarification incitative s’effectue parallèlement à une responsabilité accrue du producteur de déchets afin d’éviter un simple transfert de la responsabilité du producteur vers les usagers.

Cette responsabilité passe par l’obligation de réduire la production de déchets à la source. C’est le sens de plusieurs amendements que j’avais déposés. Deux seulement ont été adoptés. Il prévoient :

Que les contributions financières des industriels aux éco-organismes soient modulées en fonction des critères d’éco-conception. La collecte auprès des entreprises produisant des emballages ménagers doit être plus importante et très contraignante pour développer de nouveaux modes de conception et de production.

Que la recherche soit axée sur le développement de produits de substitution qui soient sources d’une production moindre de déchets et prenant en compte la fin de vie de chaque produit (recyclage, valorisation...).

De même, un amendement a repris une de mes propositions suivant laquelle obligation sera faite aux producteurs d’établir un plan de réduction à la source et d’internaliser les coûts environnementaux engendrés par le cycle de vie du produit de sa conception et production jusqu’à son traitement final.

La responsabilité élargie des producteurs est en effet la première priorité. Mais sans doute est-ce là le plus difficile à obtenir dans le cadre d’un système économique qui fait toute confiance au marché, chargé de se réguler par lui-même.

L’article 41 de la loi « Grenelle 1 » portant sur les déchets marque certes une première avancée au regard des amendements adoptés. Mais le gouvernement devra prouver sa réelle volonté de la mettre en œuvre dans les projets de loi d’application qui doivent suivre : le chantier est tout simplement ouvert !